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18 avril 2015 6 18 /04 /avril /2015 08:31
Forêt d'Iraty (© Bob EDME)

Forêt d'Iraty (© Bob EDME)

Stéphanie MARIACCIA |13/04/2015|

 

Avec son relief et le morcellement de ses forêts, le Pays Basque n’a pas vocation à développer de grosses exploitations de bois. Mais une bonne gestion de ses massifs peut profiter à l’économie locale, surtout dans le domaine du bois énergie qui connaît un regain d’intérêt.



Le Pays Basque Nord compte 75 000 hectares de forêts dont 50 000 privés. Riches en hêtres, frênes, châtaigniers, chênes, merisiers, acacias…, elles sont peu exploitées du fait des difficultés d’accès et d’autres usages du sol comme le pastoralisme. "Nous nous sommes concentrés sur l’élevage et avons perdu la culture de la forêt", explique Joseph Goyheneix, maire de Lecumberry et président de la Commission Syndicale du Pays de Cize.



Jusqu’au vingtième siècle, le bois était pourtant très prisé comme source d’énergie, matériau de construction et de fabrication de biens divers. Celui de la forêt d’Iraty (3 200 ha au Pays Basque Nord) a longtemps alimenté les forges et l’industrie navale. Dans les années 1920, une scierie embauchait une centaine de personnes à Mendive. Trente ans plus tard, l’exploitation intensive du massif d’Iraty fut abandonnée. En cause, l’érosion des sols qu’elle provoquait et le choix d’autres sources d’énergie et de matériaux

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Des forêts cogérées

Une douzaine d’agents de l’Office national des forêts (ONF) gèrent les forêts publiques des communes, des syndicats de communes et des vallées selon trois objectifs : la production, la protection et la fonction sociale. Responsable territoriale de l’ONF, Christine Besse précise que "la production du  bois doit, au minimum, couvrir les frais liés aux deux autres enjeux". Ce n’est pas toujours évident. Sur les 1 800 ha de la forêt d’Hayra, par exemple, l’ONF prélève moins d’un mètre cube par hectare et par an malgré la bonne productivité du hêtre. Seul un tiers de sa surface est exploitable.



Le CRPF pour l’entretien des forêts privées

J. Goyheneix estime que l’entretien des forêts nécessite un minimum d’investissements : "Le problème, c’est que le profit n’est pas immédiat (…) Il faut conscientiser les gens, les amener à voir sur le long terme". C’est l’un des rôles du Centre régional de la propriété forestière (CRPF). Il propose un appui technique aux propriétaires dans le cadre de diagnostics pour faire émerger des projets collectifs de valorisation forestière (coupes, reboisement, entretien, pistes…) et accéder à plus de subventions. Le CRPF procède également à une veille sanitaire des boisements.
 

Pour illustrer l’intérêt d’entretenir les forêts, Mikael Maitia, technicien CRPF, prend pour exemple la futaie de Gasterria à Ahaxe où le hêtre, essence d’ombre, tendait naturellement à supplanter le chêne qui a besoin de lumière. La coupe effectuée par le CRPF a favorisé le chêne, plus intéressant pour le bois d’œuvre.



Regain forestier

Si leur exploitation a fortement baissé depuis la moitié du vingtième siècle, les forêts basques ont continué à alimenter, dans une moindre mesure, des papeteries, des scieries (il en reste cinq au Pays Basque Nord) et des équipements de chauffage. Dans le territoire de Garazi/Baigorri par exemple, 32% de la consommation d’énergie (hors déplacements) se fait au bois (1).

Préoccupations environnementales et augmentation du coût de l’énergie aidant, un nombre croissant d’institutions et de particuliers se tournent aujourd’hui vers le bois de chauffage. Patxi Cihigoyenetche, chauffagiste à Saint-Jean-le-Vieux, confirme cet engouement pour les chaudières bois, boosté par les crédits d’impôts et l’amélioration de leurs performances : jusqu’à 95% de rendement pour une autonomie et une sécurité optimisées.  



Des aménagements porteurs pour la filière bois

Plusieurs structures ont déjà opté pour des installations conséquentes utilisant le bois énergie : la fromagerie Agour et la salle d’accueil de la station à Iraty, un chai à Ispoure, le centre Erreka Gorri aux Aldudes, le château de Libarrenx/Mauléon. En Soule, on compte également cinq chaudières à plaquettes dans les bâtiments publics.  

Lauréats de l'appel à projet "Territoires à énergie positive pour la croissance verte" (TEPOS) du ministère de l’Environnement, le Conseil des élus du Pays Basque, les Communautés de communes Garazi-Baigorri et Soule-Xiberoa portent plusieurs projets autour du bois énergie. La chaudière de la Rosée (Banca) devrait être mise en service pour 2016 et une étude est en cours pour la création  d’un réseau de chaleur commun entre la Fondation Luro à Ispoure et la future piscine de Saint-Jean-Pied-de-Port.

De son côté, la Soule a des projets de réseaux de chaleur à Alos (salle communale, centres d’activités et de vacances) et à Mauléon (hôpital, abattoir, jai alai, piscine). Pour Bertrand d’Hulst, chef de projet énergies renouvelables à la Communauté de communes Soule-Xiberoa, "l’objectif est de faire vivre et de développer la filière bois énergie au Pays Basque". Ces équipements nécessitant plus de 3 000 m3 de bois par an, la mise en place d’une plateforme de transformation du bois en Soule n’est pas exclue.

A Bayonne, un projet est dans les cartons pour alimenter plusieurs immeubles et établissements scolaires des quartiers Nord.



L’offre en bois énergie créatrice d’emplois

Basée à Itxassou, la SCOP Loreki a été visionnaire quant au regain d’intérêt pour le bois énergie. "Un peu trop tôt même", d’après Artzai Mendiboure, responsable de la section bois-énergie de la société. En effet, Loreki est née en 1985 en vue de créer de l’emploi au Pays Basque, par le biais des énergies renouvelables. Le secteur n’étant alors pas très porteur, la SCOP a dans un premier temps développé la fabrication de terreau et autres produits horticoles. Depuis la fin des années 2 000, cette entreprise de 24 salariés a commencé à s’investir de manière significative dans la production de bois énergie avec une plateforme qui lui permet de traiter toute sorte de biomasse.



Sugarai, de l’association à la SCIC

Conscients du potentiel local, des acteurs économiques et politiques de la vallée de l’Hergarai ont décidé d’y installer une plateforme de transformation de bois.  L’aventure a commencé en 2009 avec la création de l’association Hergarai Bizi, axée sur l’animation du territoire.

 

S’inspirant de l’exemple de la scierie de Mendive, un groupe s’est constitué autour des activités liées au bois. En 2011, une étude de faisabilité mettant en parallèle les débouchés locaux et les ressources (730 hectares de forêts privées de la vallée et 1 000 hectares du massif public d’Iraty) a montré la pertinence de la création d’un projet autour du bois énergie.

 

En 2014, après de nombreuses réunions et formations, l’association Sugarai a vu le jour.  "Il s’agissait de bien dimensionner le projet par rapport au potentiel qui était ressorti de l’étude de faisabilité", souligne M. Maitia, qui  a intégré le projet Sugarai depuis le début. "On nous a parfois reproché d’être trop prudents. Mieux vaut commencer petit que de ne jamais voir le jour en ayant des projets surdimensionnés".

 

L’association n’était qu’une étape vers la création d’une Société copérative d’intérêt collectif (SCIC). Son capital étant variable, tout le monde peut y souscrire : particuliers, collectivités, associations… "Nous ne sommes pas loin d’atteindre les objectifs en terme de capital", se réjouit Pettan Daguerre, ébéniste de formation et acteur de la première heure du projet. Précisant que Sugarai veut fonctionner en circuit court et rester à l’échelle du territoire,  il n’exclut pas pour autant l’idée de transposer le modèle ailleurs. De sérieux contacts ont été pris avec la Communauté de communes de Garazi-Baigorri qui se montre intéressée par l’initiative.



Test grandeur nature

Un chantier test a été effectué en 2014 à Ahatxe, appuyé par la participation de la commune, de bénévoles et un prêt à taux zéro de l’Assemblée des municipalités d’Euskal Herria (Udalbiltza). Une quarantaine de tonnes non calibrées et 500 stères de bûches de 50 cm ont ainsi été mis en vente. M. Maitia insiste sur l’importance de ce test “sans lequel le projet se serait peut-être essoufflé”. Il précise que l’initiative prend en considération l’équilibre naturel de la forêt : "laisser des vieux arbres est également important pour la biodiversité". La plateforme devrait être opérationnelle d’ici 2016 à Mendive, sur un terrain acheté par la commune.

 

Une source d’emplois

Les initiateurs de Sugarai ont calculé qu’ils pouvaient créer un emploi à plein temps à partir des 1 600 stères de bûches et de plaquettes forestières annuellement produits à Mendive. Mais, en matière d’emploi, Sugarai représente un potentiel qui va au-delà de sa propre structure. Comme le précise P. Daguerre, "Nous aimerions que cette richesse locale soit valorisée ici afin de recréer de l'activité autour de la filière bois, donc créer de l'emploi". Même raisonnement du côté de J. Goyheneix, investi dans le projet depuis le début : "Nous préférons des débouchés sur place". Le coût environnemental de Sugarai a également été pris en compte : "Comme la ressource est proche, l'impact carbone sera moindre", ajoute P. Daguerre. Le trésorier de la structure, Peio Harlouchet, est confiant et évoque même la possibilité, à terme, de réinvestir les profits dans d’autres projets.  

Le renouveau de la filière bois au Pays Basque à travers le bois énergie intègre des préoccupations sociales, économiques et environnementales. Au-delà de l’exploitation, on est ici dans une démarche de collaboration avec la forêt. Si tous les équilibres sont respectés, les projets en cours devraient être durablement porteurs. Touchons du bois.



(1) Source : Communauté de Communes Garazi/Baigorri



Le bois et l’emploi

D’après l’INSEE, fin 2010, la filière bois représentait 38 000 emplois en Aquitaine. Pour le bassin d’emploi de Bayonne (une majorité de communes au Pays Basque et quelques-unes dans les Landes), 1 845 emplois étaient liés à l’exploitation forestière, le travail du bois, l’industrie du papier, du meuble et de la construction.

 

 

Source : http://mediabask.naiz.eus/fr/info_mbsk/20150413/le-bois

 

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