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1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 10:14

 

 

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Valorisation énergétique, bioréacteurs, TMB, Delphine Lévi Alvarès, du Centre national d'information indépendante sur les déchets (Cniid), revient pour Actu-environnement sur les tendances actuelles en matière de déchets, que ce soit en termes de vocabulaire ou de mode de traitement.

 

Interview  |  Dechets / Recyclage  |  12 mars 2013  |  Actu-Environnement.com

 

   

Delphine Lévi Alvarès
Chargée de campagne au Cniid

   

Actu-environnement : Quelle est la tendance actuelle en matière de déchets ?
Delphine Lévi Alvarès : La tendance actuelle se résume à la poursuite d'un modèle qui privilégie les activités de traitement des déchets en bout de chaine au détriment de la réduction des déchets à la source.


Certes, tout le monde reconnaît que le déchet qui coute le moins cher à la collectivité est celui qu'on ne produit pas. Néanmoins, pour les industriels de la gestion et du traitement, il n'y a pas d'activité sans production de déchets. Alors, même si la dénomination des activités change et de nouveaux traitements apparaissent, on continue à privilégier la production de déchets pour assurer des activités économiques en aval.


AE : Quelles sont ces nouvelles activités ?

DLA : L'une des activités montantes est la production de combustibles solides de récupération (CSR) à base de déchets broyés et utilisés comme substituts aux combustibles habituels. Les CSR sont composés de bois, de papiers, de cartons, de textiles et de plastiques, autant de déchets recyclables mais qui présentent un fort pouvoir calorifique. Cette incinération déguisée se développera d'autant mieux si les CSR sortaient du statut de déchet.


Evidement, il reste encore du papier et du plastique dans les ordures résiduelles, mais il vaudrait mieux réduire leur volume à la source et développer le recyclage. Ce n'est pas la tendance suivie avec la promotion des CSR qui crée une nouvelle filière lucrative en fin de chaîne.
Il y a par exemple un projet à Clérac en Charente-Maritime qui vise à établir un tri avant l'enfouissement.

Les déchets triés seront vendus sous forme de CSR.


AE : Cette approche favorise-t-elle la valorisation énergétique au détriment de la valorisation matière ?

DLA : Il est aberrant de voir qu'aujourd'hui on parle de "valorisation des déchets" sans distinguer clairement la valorisation matière, c'est-à-dire le recyclage, le compostage et la réutilisation, de la valorisation énergétique, c'est-à-dire en réalité l'incinération des déchets en substitution énergétique.

Même le ministère de l'Ecologie ne distingue plus clairement ces deux valorisations. Elles sont pourtant bien différentes, d'autant plus que la directive européenne précise très clairement qu'il faut privilégier la valorisation matière.


AE : Les CSR se développent-t-ils au détriment des incinérateurs classiques ?

DLA : Pas forcément. Il y a par exemple un projet d'incinérateur à Villers-Saint-Sépulcre dans l'ouest de l'Oise alors que l'incinérateur de Villers-Saint-Paul, à l'est du département, peut traiter l'ensemble des déchets de l'Oise. C'est d'ailleurs ce que vient de signifier au préfet le gestionnaire de Villers-Saint-Paul.
De façon plus globale, on a de nombreux incinérateurs de capacité inférieure à 50.000 tonnes par an, alors que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a remis en cause leur rentabilité, même en tenant compte de l'énergie produite. Lorsque ces installations seront en fin de vie, les collectivités pourraient tirer bénéfice de la mutualisation des outils de traitement entre différents syndicats de traitement des déchets.


AE : Les incinérateurs sont pourtant mal perçus par les riverains ?

DLA : C'est vrai et c'est pour cela que certains projets sont déguisés. C'est le cas par exemple du projet de Givet dans les Ardennes qui avait été retenu dans le cadre des appels d'offres biomasse de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). En fait de biomasse, le projet comptait brûler des déchets de papeterie.
Les associations locales, avec l'appui de l'Ademe ont pu démontrer que le projet ne répondait pas aux critères des centrales biomasse et qu'il correspondait à un incinérateur de déchets industriels. Le projet a finalement été abandonné après l'enquête publique.


AE : Les projets de décharge font-ils aussi l'objet de telles présentations ?

DLA : Aujourd'hui, on ne voit quasiment plus de projets de centres d'enfouissement, mais des projets de "bioréacteurs", au motif que le biogaz (60% de méthane et 40% de dioxyde de carbone) issu de la fermentation des déchets est récupéré. Cela permet de présenter de façon "écologique" une technique qui n'est que la poursuite de l'enfouissement des déchets organiques. Cette pratique est pourtant contraire aux orientations du Grenelle de l'environnement et des directives européennes qui soutiennent la collecte et la gestion séparées de déchets fermentescibles. De plus, la récupération du méthane en décharge ne répond pas aux critères d'une bonne valorisation des déchets car une bonne partie du biogaz s'échappe dans l'atmosphère tant que le casier n'est pas couvert. Ces pertes représentent environ la moitié du biogaz produit.
Le projet de bioréacteur à Ytrac dans le Cantal est symbolique de cette démarche. Prévu pour être implanté dans un site préservé, la forêt de Branviel, il est porté par un élu écologiste local à qui on a présenté le projet comme une source énergétique locale et renouvelable.


AE : Le projet de décharge de Nonant-le-Pin répond-il à cette approche ?

DLA : A Nonant-le-Pin, dans l'Orne, on est face à un projet de décharge pour résidus de broyage de véhicules hors d'usage et pour des déchets industriels banals (DIB) d'une surface de 117 ha sur les Haras du Pin, un site d'élevage de chevaux. Le projet est surdimensionné car il prévoit d'enfouir 90.000 tonnes de résidus de broyage automobile par an pendant 17 ans, alors qu'à l'horizon 2015 la France ne devrait en produire que 75.000 tonnes. C'est le type même de projet que l'on cherche à faire déclarer d'intérêt général alors même que c'est une activité commerciale qui ne traite pas d'ordures ménagères.
La situation est d'autant plus complexe que c'est le juge administratif, et non le préfet, qui a donné l'autorisation. Or, seul le préfet peut introduire un recours et il ne l'a pas fait. La voie juridique est donc a priori bouchée pour les associations d'opposants. C'est un cas d'école en matière juridique. L'alternative serait politique, avec l'obtention du classement du Haras au patrimoine mondial de l'Unesco demandé par les opposants.


AE : Qu'en est-il du tri mécano-biologique (TMB) ?
 

DLA : On présente le TMB comme une solution mais en réalité derrière il faut un incinérateur ou une décharge pour traiter le résiduel. Le TMB n'est qu'un prétraitement et un prétraitement de mauvaise qualité. De plus les industriels prétendent pouvoir produire, à partir d'ordures ménagères, un compost utilisable en agriculture, alors que la norme française autorise jusqu'à 2% de verre et métaux et 1,1 % de plastiques, c'est-à-dire jusqu'à 5 kg de verre/métaux et 2,7 kg de plastiques, ainsi que des éléments traces métalliques (ETM) dans un mètre cube de compost normé.


La ville d'Angers, par exemple, a fermé son incinérateur il y a deux ans pour passer au TMB. Aujourd'hui certaines sources évoquent l'ouverture d'un nouvel incinérateur.


Il y a aussi le projet de Romainville en Seine-Saint-Denis, une zone urbaine relativement dense, qui est le plus gros projet d'Europe. Ce type de projet est totalement contraire au développement du tri à la source et à la collecte séparée des biodéchets qui sont aujourd'hui préconisés.


 

Propos recueillis par Philippe Collet

 


 

Source: http://www.actu-environnement.com/ae/news/cniid-bioreacteur-csr-projets-biomasse-dechets-17986.php4

 

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