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3 août 2013 6 03 /08 /août /2013 12:07

 

 

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© lainon La France compterait 13% de surfaces de "tournesols VTH"


Dans une lettre, des associations alertent sur les potentiels impacts des variétés végétales tolérantes aux herbicides et souhaitent les voir reconnus comme des OGM. Leur action interroge sur la légitimité d'une réforme de la législation européenne.


Politique  |  31 juillet 2013  |  Actu-Environnement.com Dorothée Laperche


"Nous n'en sommes pas au stade de l'interdiction, il n'y a pas d'éléments nous permettant d'aller dans ce sens, a assuré Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, à propos des variétés végétales tolérantes aux herbicides (VTH) sur les ondes de RTL, le 30 juillet.


Il répondait ainsi à une lettre ouverte, envoyée le 29 juillet, de neuf associations qui s'opposaient à ce qu'elles considèrent comme des "OGM cachés". Ce courrier appelait à une modification de la législation européenne pour que les VTH soient reconnues comme des OGM et puissent ainsi bénéficier de l'obligation de tests et d'étiquetage.


Une définition à tiroir 

La Directive européenne sur la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement définit en effet un OGM comme un organisme "dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle". La réglementation complète toutefois cette très large définition d'exemption : la Directive ne s'applique en effet pas aux organismes obtenus notamment par les techniques de mutagenèse. Et c'est sur ce point précis que se cristallise le débat.


Les VTH s'obtiennent en effet grâce à différentes méthodes. Tout d'abord, certaines plantes cultivées dans les champs deviennent naturellement résistantes aux herbicides. Elles sont alors sélectionnées et croisées avec des variétés intéressantes pour l'agriculture. La seconde voie consiste à utiliser des mutagènes physiques ou chimiques pour essayer de provoquer l'apparition de la propriété de tolérance à un herbicide. Enfin, la dernière option passe par la transgenèse : l'introduction d'un gène qui permet de donner à la plante cette caractéristique.


Si les VTH cultivés aux Etats-Unis ont été obtenues par transgenèse pour résister à des herbicides totaux (RoundUp®, etc.), celles cultivées au niveau national sont issues de la sélection de mutants naturels ou par mutagenèse, et sont tolérantes à d'autres types d'herbicides.


Aujourd'hui, la France compterait environ 13% de surfaces de "tournesols VTH" et près de 1.000 hectares de "colza VTH".


OGM ou pas ? 

La mutagenèse ferait partie de la palette des outils utilisés depuis plusieurs années par les sélectionneurs. "Cette technique s'est beaucoup développée par voie chimique dans les années 50, explique Guy Kastler, agriculteur bio membre de la Confédération paysanne, toutes les betteraves à sucre que nous cultivons aujourd'hui sont issues de mutation à la colchicine et ensuite se sont développés, dans les années 60, les traitements avec des rayons ionisants".


La reconnaissance des VTH obtenues par mutagenèse comme des OGM ne fait pas l'unanimité.


"Ce sont des mutations sans qu'il n'y ait de gènes qui soient apportés…Ce sont les plantes contraintes qui finissent par muter, nous ne pouvons pas dire - OGM cachés - ce n'est pas la même chose", a affirmé Stephane Le Foll, sur RTL.


Des impacts à évaluer 

Quelle que soit leur définition, les VTH pourraient entraîner des dommages sur l'environnement.


"L'herbicide s'accumule dans la plante sans la tuer, il pourrait se retrouver dans le nectar et le pollen…Cela doit être évalué par rapport à la survie de l'abeille, sa contamination et celle des produits de la ruche", souligne Olivier Belval, de l'Union nationale de l'Apiculture française. Selon lui, la synergie entre ces molécules, les fongicides et pesticides également présents dans les traitements devraient être étudiée.


Les conséquences de la culture des VTH ont fait l'objet d'une expertise collective menée par le CNRS et l'INRA. Les scientifiques ont analysé environ 1.400 publications scientifiques qui, pour la plupart, se sont penchées sur les variétés transgéniques tolérantes à un herbicide total (utilisées dans le contexte américain).


Les résultats de l'analyse montrent que si, dans un premier temps, l'utilisation de ces variétés permet une réduction de la quantité d'herbicide, leur usage répété (et l'absence de rotation des modes d'actions des herbicides utilisés) conduit à l'apparition de résistances chez les adventices et une augmentation des traitements chimiques à moyen et long termes.


"Est-ce que les VTH issues de la mutagenèse présenteront les mêmes effets que les VTH transgéniques alors que les gammes d'herbicides utilisés ne sont pas les mêmes?, interroge Michel Beckert, directeur de recherche à l'Inra et co-responsable de la coordination scientifique de l'expertise, nous sommes déjà dans une phase de culture sans expérimentation préalable, il faut se déplacer vers un suivi de manière épidémiologique, regarder s'il y a des effets non intentionnels impactants…Un suivi des cultures de tournesols et des pratiques culturales serait intéressant".


La Confédération paysanne s'inquiète, quant à elle, des croisements entre colzas mutés et sauvages et la dissémination du gène de tolérance aux herbicides.


"Impacts environnementaux mais également socio-économiques avec les brevets sur les gènes, rien ne justifie que nous ne fassions pas d'évaluation de ces plantes et que nous ne les étiquetions pas", estime Guy Kastler, redoutant les potentielles attaques des groupes de semenciers en cas de contamination des champs.


Quelle suite ? 

Sur ce sujet, le gouvernement semble jouer la carte de l'apaisement. Tandis que Philippe Martin, ministre de l'écologie a annoncé, sur France info qu'ils se pencheraient sur la question, Stéphane Le Foll assurait que cette voie "ne correspond pas à ce que nous voulons faire concernant les projets d'agro-écologie".


La question de ce qu'englobe le terme OGM se pose à Bruxelles. "Ce débat a pris de l'ampleur au niveau de l'Union européenne : depuis quelques années, un groupe de travail prend en compte l'ensemble des nouvelles techniques qui n'existaient pas en 2001 et évalue ce qui est un OGM et ce qui n'en est pas, détaille Christophe Noisette d'Inf'OGM,  ils ont rendu un rapport préliminaire".


Ces techniques ont évolué avec les progrès accomplis pour développer de nouveaux outils.


"Il ne faut pas basculer dans de nouveaux systèmes trop rapidement, il faut prendre le temps de l'analyse et de l'expertise ainsi que garder un regard attentif aux conséquences de ce qui est promu", met en garde Michel Beckert de l'Inra.

 


 

Source:http://www.actu-environnement.com/ae/news/varietes-resistantes-herbicides-ogm-ou-pas-19206.php4#xtor=ES-6

 

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