mercredi 17 novembre 2021
par  Maitre de la toile

Autrefois dans nos champs on mettait des mounaques. Ces épouvantails, ressemblant vaguement à une réalité, avaient pour fonction d’effaroucher les oiseaux réputés ravageurs de récoltes.

Mais les oiseaux, pas si fous, finissaient vite par comprendre que ce n’était que de piteux faux semblants.

Certains de nos politiques pensent surement que le citoyen lambda, son électeur, est plus stupide que les oiseaux de son enfance. En effet, à regarder de près l’histoire du mur de camions, on pourrait s’imaginer qu’ils nous supposent plus bêtes que des têtes de piaf. Il ne leur vient même pas à l’idée qu’à la longue le citoyen électeur finirait par comprendre ce qui se cache derrière la mounaque agitée.

Lors du débat public de 2006 concernant le projet de LGV Bordeaux Hendaye, les porteurs de projet ont voulu effaroucher le petit peuple entre Bordeaux et l’Espagne en agitant le mur de camions. Voici ce qu’ils en disaient en 2006 sur les chiffres de 2004 "Dossier Support Partie 1" :

Le mur de camion en 2006

Et bien entendu avec la croissance, le développement et tout le reste du modèle défunt des trente glorieuses, on nous annonçait en ce projetant sereinement dans un futur très proche pas moins de 16 000 camions en 2020 à la frontière p 49 "Dossier Support Partie 1"

Dès cette époque, les opposants avaient pris la mesure de cet épouvantail. C’était tellement facile. Une croissance annuelle de 3,2% n’était crédible que pour des rêveurs restés coincés dans leurs lointaines jeunesses.

Nous sommes en 2021, le projet de GPSO refait surface une fois de plus. Doit on y voir un nouveau leurre attrape gogo en vue d’élections proches associé à la poursuite de rêves de mauvaises construction spirituelles productivistes du début du siècle dernier ? L’avenir nous le dira.

Regardons si le modèle du mur de camion utilisé en 2006 et les prévisions associées étaient conformes à la réalité ?

Nous allons utiliser principalement deux sources de données de l’état :

1. La DIR (Direction Interdépartementale des Routes Atlantique)
2. La base de données Sigéna

Ces bases de données combinées vont nous permettre d’estimer avec une précision suffisante le nombre de camions sur l’autoroute en divers points représentatifs :

1. L’embranchement Sud de l’interconnexion A63 / A660 en direction d’Arcachon
2. Magesq point particulier du débat public
3. Birriatou la Frontère A63 vers l’Espagne

Le passage de la Nationale 10 en autoroute A63 concédée au privé fait que les données ne sont pas toutes centralisées par la DIR pour des raisons de secret industriel ou commercial. Néanmoins nous trouverons quelques données utiles sur la base de données Sigéna, Mais si nous y trouvons le nombre total de véhicules nous n’y trouvons pas le % de poids lourds. Pour le déterminer nous supposerons que ce taux est à peu près constant tout au long de l’A63 au sud de l’embranchement de l’A660.
L’objectif est d’évaluer le nombre de camions susceptibles de faire du transit longue distance, et donc accessibles au fret ferroviaire. Nous savons que des poids lourds empruntent l’A63 pour du cabotage. Le nombre de Poids lourds trouvé pouvant être rattaché au transit longue distance sera moins élevé que le nombre réel ou estimé trouvé.
Les données de la DIR de 2009 nous permettent de visualiser l’effectif de camions journalier sur la partie considérée de l’A63, pour plusieurs points de mesures. L’effectif de camions est donné par la valeur en % au point de mesure, mais aussi pour comparaison, calculé sur la base du % défini au point de mesure de l’échangeur Sud A63 / A660 situé au Sud de la sortie Arcachon. Ce % est toujours donné par la DIR :

Trafic 2009 source DIR

Nous constatons une relative stabilité du nombre de poids lourds tout au long de cet axe.La bonne superposition des deux courbes (Nb Réel et Nb déterminé) montre que le % de camions à l’embranchement Sud semble pertinent pour déterminer le trafic poids lourds en fonction du nombre de véhicules comptabilisés sur l’axe en plusieurs points par la base de données Sigéna. Alors que la base DIR ne donne aucune information en dessous de l’échangeur d’Arcachon depuis 2016.

Trafic sur l’A63 de 2015 à 2020

Le tableau montre une stabilité certaine du nombre de camions sur l’axe entre 2016 et 2021. A Magescq il passe environ 8 500 poids lourds tous sens confondus, transit international et desserte locale ou semi-locale confondus. Pour Birriatou, nous sommes à 8 900 camion/jour. Durant le débat public, ce faible écart entre les deux points était déjà signalé, et quelques hypothèses furent présentées par le porteur de projet.

Il n’est pas facile de remonter dans le temps. Nous n’avons trouvé qu’une source (DIR), qui présente l’évolution du trafic sur une longue période en un point.

Trafic A63 Emb Sud A63-A660 de 2008 à 2020

La donnée 2010 manque. Toutefois, nous constatons que sur plus de 12 ans, le mur de camion est stable. Il est même tel qu’il était en 2004 si nous en croyons les sources de RFF lors du débat public...

Nos grands élus pourraient faire l’effort de vérifier si les éléments de langages qui leurs sont fournis sont toujours d’actualité 20 ans après. Il est vrai, que parfois trop pris par de multiples mandats, ils peuvent montrer, qu’ils ne disposeraient pas du temps suffisant pour vérifier ce qu’ils disent, et encore moins pour étudier leurs dossiers. Mais "c’est nous qui paye" aurait dit Coluche.

Si nos chers grands élus souhaitent que les citoyens leurs apportent toute la considération qu’ils espèrent, alors pour paraphraser Michel Audiard ils devraient se souvenir que dans considération il y a aussi sidération. Sidération de découvrir en mounaques agitées, des responsables qu’ils ont élus.

Documents joints

Dossier support partie 1

Source: https://www.amisdelaterre40.fr/spip/spip.php?article879