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3 janvier 2018 3 03 /01 /janvier /2018 08:01

 

 

Décembre 2017

 

Intervention de l'association La Quadrature du Net, lors de la table ronde à l'Assemblée nationale le 14 décembre 2017

Bonjour,

voici le texte de l'intervention du représentant de l'association La Quadrature du Net, lors de la fameuse table ronde à l'Assemblée nationale le 14 décembre 2017 sur le thème des compteurs prétendus "intelligents". J'attire votre attention sur la première moitié (que j'ai mise en gras) qui décrit de façon remarquable les processus et méthodes en jeu dans l'affaire des compteurs.


En particulier, on voit à nouveau comment le clan du Linky tente de nous enfermer dans la seule controverse sur les ondes, question qui est certes importante mais est loin d'être la seule en jeu. J'ajouterai même, en direction des gens qui se préoccupent surtout des ondes, qu'ils auront d'autant plus de chances d'y échapper que nous aurons aussi dénoncé les incendies, les surfacturations, les dysfonctionnements, la collecte de données personnelles, etc.


Je ne partage pas certains points suivants comme "Si vous voulez sauver les compteurs de nouvelle génération, ou tout au moins ne pas avoir à les installer de force...", car nous voulons des compteurs ordinaires, et pas des compteurs communicants installés avec plus de tact que ne le font les milices d'Enedis !

Stéphane Lhomme

 
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Les compteurs, intelligents ou débilitants ?


Depuis quarante ans que je participe aux débats sur les enjeux sociétaux des techniques, une situation m’est devenue familière. Des personnes ou plus souvent des organisations développent une solution technique pour tenter d’optimiser un certain paramètre (par exemple le lissage des pointes de consommation d’électricité, mais ce n’est qu’un exemple parmi des dizaines). Pour obtenir les fonds nécessaires au déploiement de cette solution, ils en font miroiter aux décideurs internes ou politiques d’autres avantages (par exemple l’exploitation possible des données présentées comme l’or noir du 21e siècle). Ils tentent autant que possible de contrôler le contexte de déploiement de cette solution par des mécanismes de propriété, législatifs ou par le choix d’architectures techniques.

 
Apparaissent des oppositions de la part de personnes qui s’estiment impactées par ces systèmes déployés sans eux ou en ne les consultant que sur des options secondaires. Ces opposants invoquent des raisons multiples de rejet, dont la nature et la multiplicité paraissent aux yeux des promoteurs de ces systèmes résulter d’une volonté caractérisée d’empêcher le progrès. Pour décrédibiliser les oppositions, les promoteurs se saisissent des critiques avancées qui leur paraissent les plus aisées à réfuter ou à confiner, souvent celles portant sur les risques pour la santé (par exemple les effets des champs électromagnétiques créés par des communications par courant porteur de ligne).


Loin de disparaître, les oppositions se renforcent et retrouvent ou commencent à cerner des motifs plus essentiels, ceux qui relèvent des rapports de pouvoir, de la dépossession des instruments utilisés pour des enjeux de la vie quotidienne et de la violence de l’intrusion dans la sphère intime. Voilà exactement où nous en sommes en ce qui concerne le déploiement des compteurs qu’on a nommé intelligents pour mieux masquer la dépossession qu’ils infligent aux usagers traités en objets de contrôle et d’une surveillance pudiquement appelée analyse des comportements ou production des données. Il ne faut donc pas s’étonner que les compteurs jugés intelligents par leurs concepteurs soient considérés par ceux qui ne les ont pas choisis comme des compteurs débilitants.

 


Si vous voulez sauver les compteurs de nouvelle génération, ou tout au moins ne pas avoir à les installer de force, il faudra donc accepter de rouvrir le débat sur les relations de pouvoir et les capacités qu’ils donnent respectivement aux distributeurs et producteurs d’énergie et aux usagers et citoyens. Ce n’est pas qu’un problème de données personnelles. Dans ce domaine comme tant d’autres, les personnes acceptent de fournir des données bien plus intimes, par exemple sur l’alimentation et la santé, pour des études, à condition d’être associées à la définition de leurs buts et à leur mise en œuvre et que des garanties d’indépendance à l’égard des grands intérêts économiques existent, ce qui est hélas rarement le cas.

 


La réouverture de ces débats sur les pouvoirs d’agir de chacun, loin d’être une perte de temps, est la seule chance d’en gagner, même si cela passe par la mise à la poubelle d’une génération de Linkys et Gazpars. Attention, il ne s’agit pas que de calmer des peurs jugées irrationnelles par les techniciens. Il s’agit de prendre en compte qu’il y a un enjeu démocratique essentiel, une condition d’exercice des droits fondamentaux lorsqu’on déploie des dispositifs informatisés dans la sphère intime, celle du foyer ou celle des comportements quotidiens. Il s’agit de prendre conscience que le fait qu’un compteur appartienne au distributeur et soit sous son contrôle - qui était presque universellement accepté lorsqu’il s’agissait d’un dispositif « bête » - devient intolérable lorsqu’il incorpore une « intelligence » (des algorithmes aussi élémentaires soient-ils) conçue par d’autres dont on ne partage pas nécessairement les buts. La technique est une composante essentielle de la vie humaine, mais elle ne remplace pas la démocratie.

 

 

Source du texte ci-dessus :

https://www.laquadrature.net/fr/compteurs-intelligents-ou-debilitants 
 

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