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12 juillet 2012 4 12 /07 /juillet /2012 07:43

 

 

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À Linars, des agriculteurs comme les Cheminade sont entrés en résistance contre la LGV.

Photo Quentin Petit

 

 

Chez les Cheminade, à Linars, l'anti-LGV, c'est un esprit de famille. Le père et les deux frères, agriculteurs, ont tous une bonne raison d'en vouloir aux promoteurs du chantier. 

 

9 Juillet 2012 | 04h00

Vous n'avez qu'à voir. Le tronçon d'ici, entre la Charente et Vouharte, c'est le seul où le chantier n'a pas démarré.» François Cheminade, agriculteur à Linars, sur les terres de son père Jean-Pierre, et voisin de son frère Laurent, éleveur de chevaux de l'autre côté de la route, n'est sans doute pas la seule raison au retard des engins. Mais la famille a décidé qu'elle resterait une épine dans le pied de Vinci, de Cosea, de Guintoli. Bref de tout ce qui s'aventure avec des envies de baliser, de défricher sur le tracé de la future ligne à grande vitesse (LGV).

«Perte nette»

Derrière l'histoire, il y a bien sûr une affaire de sous. On vantait le concessionnaire prompt à dégainer l'argent pour éviter les tracas. François Cheminade rigole. «J'ai perdu 6 hectares en exploitation sur les 30 qui appartiennent à mon père.» Ils sont en «exclusion d'emprise», ce qui signifie «aucune compensation». «C'est de la perte nette.» Indemnisée tout de même à hauteur d'une année de marge brute. «C'est 670 euros.» François Cheminade n'était pas forcément contre le progrès. Il est en colère. «Je n'aurai qu'une indemnité pour perte d'exploitation... imposable à 42%.» C'est huit années de marge brute, à 5 000 euros l'hectare. «Trop juste pour racheter des terres.»

«Ça paye pas!» Sous sa casquette, Jean-Pierre Cheminade, le père, s'est fait son idée. Il attend qu'on lui paye ses 46 centimes du mètre carré. «4 600 euros à l'hectare. mais dans le secteur, contrairement à ce que prétend Cosea, le prix moyen, c'est 6 000 euros.»

Un peu amer, le père jette un oeil aux trois maisons que le concessionnaire vient de racheter «pour rien». «Ils se sont gourés de 35 mètres. Elles ne sont même pas dans l'emprise. Mais elles ont été reconstruites plus loin, plus belles...» Il a l'impression qu'il y aurait deux poids deux mesures, entre le bâti et le foncier agricole.

Tout comme le cadet, Laurent Cheminade, sans doute le plus en colère. Il élève des chevaux. Il s'était installé sur un hectare paternel, y avait construit ses boxes. Il ne faut pas lui parler des terrassiers qui sont venus faire les fouilles archéologiques. «J'y ai perdu un cheval», sombré corps et âme dans un lit de boue. «Ils devaient décaisser la terre arable. Ils ont creusé des fosses de deux mètres de fond par trois mètres de long. Et comblé les trous sans tasser.» Avec les pluies de Noël, «ça s'est affaissé». «C'est de l'argile et du sable. Un cheval est tombé dedans. On l'a cherché. C'est mon père, deux jours après, qui a vu un truc bouger. La tête du cheval.» C'était trop tard.

Alors lui, pour qui «tout le monde se renvoie la balle», a décidé qu'il ne bougerait pas tant que ce ne serait pas réglé. Les 4 500 euros pour le cheval et les frais d'équarrissage, de vétérinaire. À deux pas de la mairie, c'est la résistance qui s'organise. «Je leur ai dit que j'avais un tracteur, un manche de pioche et, au pire, un fusil.» Pour l'instant, les bulldozers n'ont pas encore pointé le bout de leurs chenilles. Seuls les forestiers ont ouvert le petit bois, au-dessus des terres familiales. Il y a bien quelques géomètres qui se sont fait virer du terrain. «C'est des véhicules qui passent sur les terres, qui saccagent les cultures. Ils ont même écrasé les tuyaux du maïs.»

Jean-François BARRE


Source : http://www.charentelibre.fr/2012/07/09/des-irreductibles-en-travers-de-la-lgv,1104641.php

 

 

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