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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 07:24

 

 

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Organisations membres du collectif

 

Mardi 11 février 2014

Par Fabrice Nicolino

Enfin ! Enfin ! Je vous ai déjà raconté (ici) la farce sinistre inventée par le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll et ses services. Par un hold-up sur les mots, nos productivistes de toujours tentent de faire avaler ce qu’ils osent nommer l’agroécologie. Qui deviendrait dans leurs mains un simple avatar de l’agriculture industrielle, avec les mêmes acteurs bien sûr, dont la FNSEA au premier rang. Je vous signale d’ailleurs que Xavier Beulin - patron à la fois de la FNSEA et du géant industriel Sofiprotéol - prépare pour le 21 février un grand raout appelé États généraux de l’agriculture (ici). Quatre, peut-être cinq ministres iront comme de juste se prosterner. Dans ce climat écœurant, il est donc heureux de voir, comme vous lirez ci-dessous, que des associations chères à mon cœur et un syndicat paysan itou commencent à relever la tête. Il était temps. Mais il n’est pas trop tard pour se battre sous notre bannière. Car c’est de cela qu’il s’agit : d’un combat. Et notre drapeau est le plus beau.

Collectif agroécologie

Les organisations signataires de ce communiqué ont décidé de se constituer en « collectif pour une agroécolgie paysanne ». Ce texte de position est un premier pas. Après l’agriculture biologique, le commerce équitable, l’éco-construction, le projet de société dont est porteur l’agroécologie est lui aussi en train d’être détourné. Notre collectif ne croit pas que la fuite en avant technicienne puisse répondre aux problématiques environnementales et politiques. Il entend défendre les valeurs et promouvoir les initiatives portées par les paysans, les citoyens, et tout acteur du mouvement social et dénoncer les fausses solutions. Le présent communiqué marque l’amorce d’un travail de rapprochement, de convergence et d’organisation collective. Le collectif est ouvert à toutes les organisations qui se retrouvent dans cette démarche.

Pour une agroécologie paysanne

Nous, mouvements sociaux organisés, associatifs, syndicaux et professionnels, affirmons qu’une agroécologie paysanne existe aujourd’hui en France. Nous sommes obligés de la qualifier d’ « agroécologie paysanne » pour la distinguer de la campagne de communication du Ministère de l’Agriculture qui brandit le drapeau de l’agroécologie dans le seul but de mieux camoufler la fuite en avant de l’agriculture industrielle vers la marchandisation du vivant et la bioéconomie.

En effet, les méthaniseurs industriels qui détournent la production alimentaire au profit de la poursuite du gaspillage énergétique, les semis directs avec l’herbicide Round Up® et les technologies génétiques destinées à breveter les semences sont des supercheries qui sont scandaleusement inscrites sous le vocable agroécologie par ce ministère. Par ailleurs, celui-ci, tout en élaborant la loi d’orientation agricole et en se réclamant de l’agroécologie, est en train de valider une loi sur les propriétés intellectuelles qui élargit, par les brevets sur les marqueurs biochimiques, moléculaires ou génétiques, le pouvoir des transnationales sur tous les domaines du vivant, et interdit les semences paysannes et reproductibles !

L’agroécologie paysanne est avant tout un corpus de pratiques vivantes et de mouvements sociaux avec un objectif politique commun : une agriculture sociale et écologique ancrée dans les territoires. Elle s’inclut dans un mouvement de transformation sociétale global qui touche tous les secteurs d’activité (énergie, transformation, commerce, transport, habitat, éducation, santé, etc.). Nous critiquons l’idéologie productiviste, le modèle agro-industriel et même le concept de développement agricole. Le terme de développement est assimilé à la notion de croissance économique illimitée. Cette notion est antinomique avec le vivant dont le développement n’est pas fait que de croissance, mais est contenu par des équilibres dynamiques complexes à tous les niveaux d’organisation. Appliqué à l’agriculture, le développement est un mirage entretenu par les intrants pétrochimiques et les subventions. Le projet du ministère français perpétue un modèle agricole industriel où le travail humain est taxé, l’emploi est détruit et les intérêts du capital préservés. L’énergie fossile est subventionnée, les impacts négatifs sont à la charge de la collectivité et les bénéfices sont privatisés. Actuellement, nous avons en France 5 millions de chômeurs, dont des paysans sans terre, et 500 000 agriculteurs.

C’est une situation aberrante dans un contexte de réchauffement climatique qui nécessite une réduction de la consommation des énergies fossiles et une augmentation significative de la population agricole. Or depuis les années 80, il n’y a plus d’augmentation du rendement des cultures mais seulement une augmentation de la consommation des énergies fossiles qui remplacent le travail humain par la mécanisation, l’utilisation croissante des intrants chimiques et l’agrandissement des surfaces des exploitations. Seule aujourd’hui une réinstallation paysanne massive est capable de relever les défis écologiques, alimentaires et sociaux auxquels nous sommes toutes et tous confrontés. L’effondrement du modèle agro-industriel breton nous invite à regarder la réalité en face : plutôt que de se mettre la tête dans le sable en attendant le retour d’une croissance inaccessible, face à la crise et à la précarité administrée, nous sommes aujourd’hui arrivés à l’heure des choix fondamentaux.

La généralisation d’une agriculture écologique n’est pas hors de portée mais constitue un véritable choix politique allant plus loin que de simples évolutions techniques. L’agroécologie renverse la hiérarchie des savoirs, en remettant en cause un académisme qui oppose savoir-faire et connaissance théorique. Les savoirs scientifiques et techniques ne peuvent être dissociés des savoirs et des pratiques populaires ; ils en sont même l’émanation. Les premiers savoirs agronomiques ont été les savoirs et savoir-faire paysans qui n’ont cessé de s’adapter à leur environnement et aux sociétés. Les pratiques qui se revendiquent de l’agroécologie sont vivantes et au coeur des processus créatifs, culturels et sociaux. En s’opposant à la privatisation du vivant, en revendiquant la réalisation concrète des Droits collectifs d’usage des communs, elles combattent un modèle économique dominant fondé sur la primauté du Droit de propriété.

L’agroécologie paysanne est avant tout un outil de transformation sociale. Cette conception est partagée avec d’autres organisations paysannes et de la société civile dans le monde et notamment la Via Campesina, dans un projet de société nécessairement basé sur la paysannerie. Nous avançons avec une main tendue vers toutes les personnes qui par leur travail salarié, indépendant ou domestique participent à l’économie réelle. L’objectif est de replacer l’humain et la nature au centre des préoccupations sociétales, de sortir de la dictature de l’argent et de la finance. Nous continuerons à nous retrouver pour construire les bases de nos actions, pour faire poids contre les tentatives d’encadrer, par le travestissement des mots ou la contrainte réglementaire, les initiatives populaires à finalités sociales et écologiques.

 

Source : http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article25172

 

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