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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 19:46
 

 
 Maurice Desderedjian, président de la commission ferroviaire de l'AUTF.


 

Par Luc Battais | Transports

 

À la veille de l'annonce de la réorganisation de Fret SNCF, le président de la commission ferroviaire de l'Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), Maurice Desderedjian, prévient que les chargeurs ne pourront supporter de fortes augmentations de tarifs.


Transports Actualités : Après deux audits de son activité fret, la SNCF s'apprête à dévoiler une réorganisation qui réduirait sensiblement l'envergure de l’activité la plus déficitaire, le wagon isolé, et l'on parle aussi de la création de filiales dédiées à certains marchés. Que pense l'AUTF de ce projet ?

Maurice Desderedjian : Les chargeurs qui utilisent aujourd’hui le transport ferroviaire en wagon isolé n'ont pas envie d'aller vers la route, ils ont donc besoin d'un système ferroviaire de lotissement efficace et économique. Mais actuellement, la situation catastrophique de Fret SNCF et l’urgence d’en sortir mettent au pied du mur tous les discours sur le transport ferroviaire, y compris celui de l'État. Et en dehors de quelques grands groupes, la plupart des chargeurs sont désemparés car ils n’entrevoient aucune solution concrète à ce problème.


Est-ce que cela signifie qu’ils ne pourront pas payer le prix que s’apprête à leur demander la SNCF pour garantir l’avenir de cette activité ?

Exactement ! Mais il faut se souvenir que la politique tarifaire actuelle de Fret SNCF et ses niveaux de prix résultent de choix historiques de l’entreprise, alors en situation de monopole, et de ses ministres de tutelle – il s’agissait par exemple de Jean-Claude Gayssot – qui avaient décidé de privilégier une politique de volume. Les industriels ont intégré ces prix d’achat du transport ferroviaire dans leurs propres prix de vente et ils sont aujourd’hui dans l’impossibilité de répercuter les hausses que leur demande le transport ferroviaire en France.
Le prix des sillons explose et on leur annonce des prix de transport par wagon isolé multipliés par 2 ou par 3 en leur disant : "ce sera comme ça parce qu’il n’y a pas d’autre solution". Je comprends, et même je partage tout à fait la logique du patron de Geodis SNCF, qui consiste à dire en substance que "tout ce qui n’est pas économiquement viable ne peut plus perdurer". Parfois je peux même comprendre, bien que cet avis ne soit pas toujours partagé par tous mes collègues chargeurs, que RFF augmente le prix de ses sillons, car je ne connais aucune entreprise capable de survivre en ne facturant même pas ses prestations au coût marginal, comme le fait RFF. Avec la même conviction, je pense que cette activité de fret ferroviaire, depuis qu’elle a été dérégulée, ne peut plus être subventionnée de façon continue. La question ne se pose même plus dans l’Europe aujourd’hui.
Mais cela ne change rien au fait que la plupart des chargeurs ne supporteront pas la hausse prévue des prix du wagon isolé. Dans ce dossier, nous sommes arrivés au moment où il faut savoir ce que l’on veut, et se dire qu’un marché complètement dérégulé n’est pas toujours la solution idéale.

 

Au début de l'été 2009, Pierre Blayau, directeur délégué de SNCF Geodis, a évoqué la perspective d’un dialogue "trafic par trafic" avec les chargeurs, pour voir de quelle façon les plans de transport pourraient évoluer en vue de massifier les envois vers des trains entiers ou de réorienter certains trafics de wagon isolé vers du transport combiné ou des opérateurs ferroviaires de proximité qui auraient la charge de cette massification. Cet axe de travail vous paraît-il sans intérêt ?

J’y suis très favorable en principe, le patron de SNCF Geodis dit aux chargeurs qui veulent du transport ferroviaire : "Prenez vos responsabilités". Le problème est qu’il s’adresse à ceux qui auront le plus de mal à le faire. On a déjà vu en effet de très gros chargeurs massifier avec succès certains flux pour passer d’acheminement en wagons isolés à des transports par trains entiers. De même, la réorganisation de l’activité wagon isolé de Fret SNCF comportera probablement la création de filiales répondant aux besoins de certains marchés captifs comme les produits dangereux et les combustibles, qui n’iront jamais sur la route et dont les clients paieront le prix que la SNCF, ses filiales ou d’autres opérateurs demanderont.

 

Que va-t-il se passer pour les autres ? Le transport combiné ou les opérateurs de proximité ne pourront rien pour eux, contrairement à ce que l’on tente de nous faire croire. Et cela pour plusieurs raisons. En premier lieu, parce que notre pays est pauvre en PME de taille moyenne spécialisées dans la logistique et prêtes à s’engager et à investir dans la mise en œuvre d'OFP. On a juste vu apparaître une ou deux initiatives dans des régions (Centre et Auvergne) où il n’y a pas de potentiel important de trafic. L’idée des OFP est bonne, mais sa mise en œuvre repose surtout pour l’instant sur l’initiative d’individus. Ensuite, les chargeurs sont de plus en plus nombreux à considérer que la logistique n’est pas leur cœur de métier. La crise est passée par là. Ils ont encore plus de mal qu’avant à mobiliser les ressources financières nécessaires à leur activité principale. Il n’est donc pas question pour eux de financer la création d’OFP. Et cela vaut aussi pour l'État ou pour des collectivités locales qui ont d’autres priorités.

 

Comment peut-on sortir de cette impasse ?

 

Je vous l’ai dit, les chargeurs se trouvent aujourd’hui assez démunis face à cette question. À l’évidence, la réponse n’est plus économique, elle est politique. Il appartient désormais à l'État d’assumer les choix de société qui ont été réaffirmés dans le Grenelle de l’environnement et de prendre en charge, d’une façon ou d’une autre, les questions de répartition modale que le marché ne réglera jamais.


 

 Chronique d’une mort annoncée

Fin juin 2009, Pierre Blayau, directeur général délégué de SNCF Geodis, a dressé la liste des conditions dans lesquelles l’activité wagon isolé pourrait selon lui être maintenue : tous les trafics massifiables devraient être orientés vers les trains entiers, les autres seraient confiés au transport combiné, placés sous la responsabilité d’opérateurs ferroviaires de proximité… ou devront supporter des hausses tarifaires reflétant les coûts de production.
"Nous allons voir avec les chargeurs comment il serait possible de massifier leurs envois. Nous allons redéfinir avec eux des plans de transport flux par flux". Et pour ce qui restera du lotissement, "le client ne pourra plus payer 50 centimes d’euros ce qui coûte 2 euros", avait déclaré Pierre Blayau.

Le président de la commission ferroviaire de l’AUTF confirme que les chargeurs ne supporteront pas de fortes hausses tarifaires et que ni le transport combiné ni les OFP ne seront en mesure d’apporter de réelles solutions.
Selon le plan de marche de la SNCF, cette position prévisible des chargeurs reviendrait donc bien à la quasi suppression de l’activité Fret SNCF, l'État ayant déjà fait savoir qu’il ne paiera pas.

Luc Battais

 

 

Source : http://www.wk-transport-logistique.fr/actualites/detail/15130/reforme-du-wagon-isole-et-quotles-chargeurs-ne-pourront-pas-payer-et-quot.html

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