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21 novembre 2018 3 21 /11 /novembre /2018 08:27

 

 

 

Vendredi, 16 Novembre, 2018

Daniel Roucous

Maître Blanche Magarinos-Rey/Photo Humanité.fr

Maître Blanche Magarinos-Rey/Photo Humanité.fr

Entretien avec maître Blanche Magarinos-Rey, avocate à la Cour du cabinet Artémisia. Pour elle « ni la directive européenne, ni la loi, ni les règlements ne prévoient que les compteurs Linky sont obligatoires pour les particuliers. »

 

L’Humanité.fr : La grande question que les usagers se posent est : les compteurs Linky obligatoires ou pas au regard de la loi ?

Blanche Magarinos-Rey : « Ni la directive européenne ni la loi - article L341-4 du code de l'énergie -, ni les règlements  ne prévoient que les compteurs Linky sont obligatoires pour les particuliers (usagers). En effet, la loi et les règlements en France, posent une obligation pour le gestionnaire du réseau électrique, Enedis, d’installer ces compteurs communicants.

Il y a donc une nuance à opérer entre celui qui est responsable du déploiement et ceux qui en sont destinataires, qui eux n’ont pas d’obligation  particulière. Cependant aucune disposition ne prévoit non plus que les usagers ont le droit de refuser les compteurs Linky. De ce fait, ils peuvent s’appuyer sur le droit de refuser l’accès à leur propriété – article 432-8  du code pénal.

Ce droit d’accès à la propriété est mis en balance avec les engagements contractuels (Contrat de vente d’électricité) passés avec Enedis. Ceux-ci engagent les usagers à laisser Enedis accéder aux compteurs – article 3-2 de l'annexe 2 bis des conditions générales de vente EDF 

Mais ces engagements n’ont pas été négociés comme l’exige la loi – articles L224-9 et L224-10 du code de la consommation - , ils ont été imposés aux particuliers-usagers comme une condition d’accès au service de l’électricité. Il s’agit donc d’un contrat d’adhésion dont les clauses sont réputées non écrites en application de l’article 1171 du code civil parce qu’elles créent un déséquilibre entre les parties. C’est un débat qui n’a pas été tranché. Il me semble donc que le droit de propriété est un droit plus fondamental qu’un engagement contractuel pris sans négociation. »

L’Humanité.fr.- Dans les faits Enedis s’appuie sur ces conditions du contrat pour entrer chez les particuliers et leur imposer le compteur Linky, quitte parfois d’user d’intimidations ou de la force ?

Blanche Magarinos-Rey : « Il a été jugé qu’Enedis ne peut se faire justice à elle-même et ne peut donc user de violence ou de malice pour pénétrer, malgré un refus, chez un usager - article 226-4 du code pénal

Si Enedis veut faire respecter les engagements contractuels avec les usagers, il faut qu’elle en demande l’application forcée à la justice.

 

L’Humanité.fr.- Linky comme compteur communicant est un objet connecté. Ne faut-il pas le consentement de l’usager-client pour l’installer à demeure ?

Blanche Magarinos-Rey : « les usagers ont en effet droit à ce que les dispositions des articles 7 et 38 de la loi Informatique et Libertés qui protègent leurs données personnelles (droit confirmé à l’alinéa 3 de l’article L341-4 du code de l'énergie), soit pleinement respectées par Enedis et son compteur communicant. Celui-ci a précisément pour fonction de capter un grand nombre de données personnelles.

Or Enedis ne respecte pas certaines des prescriptions de cette loi. Deux exemples :

- le pas de temps choisi pour la courbe de charge ou courbe de consommation est de 30 minutes ce qui n’est conforme ni à la règlementation ni aux préconisations de la CNIL

- la CNIL a demandé à Enedis de vérifier que les usagers donnent véritablement leur consentement à ce que leurs données personnelles soient transmises à des tiers. Or Enedis n’applique pas ces recommandations puisqu’elle demande aux tiers une simple déclaration, sur laquelle elle opère un contrôle aléatoire !

Dans ce contexte, les usagers ont certainement le droit de contester  les opérations de déploiement du compteur Linky.  Ces questions devront être tranchées par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat  car la justice s’est montrée jusqu’à présent, réticente à mettre un frein au programme de déploiement. D’ores et déjà, il est possible de refuser le stockage des données de consommation en local dans le compteur ainsi que le transfert de ces données dans le système d’information d’Enedis.Ces possibilités, qui privent le compteur de ses fonctionnalités, en font un compteur classique, ou presque, ce qui est une bonne chose. Nous avons obtenu cela, tous ensemble, à force de réclamations sur le terrain des données personnelles. Il faut donc continuer à se mobiliser.»

L’Humanité.fr.- Enedis menace de sanction toute opposition à l’installation de compteurs Linky (coupure d’électricité et même de l’eau chaude ( !), paiement des relevés manuels etc.). Est-ce bien réglo ?

Blanche Magarinos-Rey : «Certes Enedis peut saisir la justice pour faire respecter les engagements contractuels. Mais rien n’indique qu’Enedis aurait gain de cause pour les raisons que j’ai expliqué ci-avant.

De même est illégale la menace de couper l’électricité ou l'eau chaude ou tout autre procédé pour forcer l’implantation d’un compteur - article L115-3 du code de l'action sociale et des familles

Tout ceci est une menace car il n'existe légalement aucune mesure de rétorsion -

En revanche, il est possible de faire payer la relève à pied, mais ce n’est pas à Enedis de décider. C’est à la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) de fixer les tarifs qui devront rester raisonnables. »

 

L’Humanité.fr.- Les locataires peuvent-ils refuser les compteurs Linky alors que leurs propriétaires privés comme publics ont donné leurs accords à Enedis (les bailleurs sociaux comme les HLM facilitent leur déploiement) ? Idem pour les copropriétés ?

Blanche Magarinos-Rey : «il n’y a pas plus d’obligation d’accepter un compteur Linky pour les locataires que pour les propriétaires ou co-propriétaires. Il s’agit des mêmes raisons que précédemment exposées. Toutefois, il est nécessaire parfois d’engager une procédure judiciaire. Or tout le monde n’a ni les moyens ni la volonté de s’engager dans une telle démarche. Dans ce cas, il faut refuser formellement le compteur et tenter d’empêcher son installation. »

 

L’Humanité.fr.- Dans les faits, les usagers se retrouvent devant des installateurs agressifs, des menaces. Certains ont peur et ne savent pas refuser. Que leur conseillez-vous ?

Blanche Magarinos-Rey : « Je rappelle que Enedis s’est engagée à respecter la volonté des personnes et cet engagement, à ma connaissance, est tenu. Je l’ai constaté à plusieurs reprises.

Il faut mentionner que la ville de Paris (lettre en pièce jointe) a obtenu d’Enedis de respecter et faire respecter par ses sous-traitants, la volonté des personnes de refuser l’installation de compteurs Linky. Ce droit de refus concerne les personnes ayant leur compteur dans leur logement comme celles qui l’ont à l’extérieur. Ceci afin de ne pas placer les usagers dans une situation d’inégalité. Je conseille aux gens qui n’oseraient pas ou n’auraient pas les moyens d’aller chercher le soutien d’un avocat, de se faire aider par les collectifs anti-Linky".

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