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27 février 2018 2 27 /02 /février /2018 11:10

 

 

 

Il était une fois... l'extractivisme

 

L’extraction intensive des ressources naturelles en vue de leur commercialisation à l'échelle mondiale, que nous appelons 'extractivisme', est le support de nos sociétés contemporaines dites « développées ». C’est le carburant dans la voiture, mais aussi la voiture elle-même, ce sont les métaux dans les smartphones et autres objets électroniques, c’est l’énergie que nous consommons tous les jours, etc.

Les coulisses de ce confort quotidien que l’on ne voit plus et l’impasse à laquelle conduit cette course sans limites aux matières premières sont l’objet de ce parcours pédagogique. Il interroge nos choix de sociétéet leurs impacts et plaide pour des alternatives à notre modèle de développement prédateur.

Exploitation intensive des ressources naturelles : Refaire des choix (…)

L'exploitation des peuples et des territoires à la source de l'extractivisme

L’extraction des ressources naturelles et leur transformation pour les besoins humains est un processus millénaire qui a forgé l’histoire du monde. Dans l’Antiquité grecque et romaine, on compte déjà de nombreuses mines, et on en trouve des traces dès la Préhistoire. 

La recherche de métaux précieux et autres matières premières a motivé le développement du commerce et la conquête de nouveaux territoires, puis leur colonisation. Les Amériques et l’Afrique en sont des exemples emblématiques. Les peuples qui vivaient sur ces territoires ont vu leurs terres accaparées par de nouveaux venus qui les ont souvent exploités pour extraire ces ressources et exterminés pour en avoir le contrôle. En métropole, cette extraction reposait également sur l’exploitation de toute une classe sociale.

Dans ce parcours, il sera spécifiquement question des ressources du sous-sol : pétrole, sables bitumineux, gaz de schiste, mais aussi métaux, charbon et autres minerais, ainsi que de leurs installations comme les mines à ciel ouvert, les puits de forage, les pipelines, etc.

 

Un emballement de l'extractivisme jusqu'à l'impasse

Cet accaparement, qui a permis la construction des sociétés occidentales d’aujourd’hui au détriment des populations des territoires conquis appelés aujourd’hui « pays en développement », se poursuit. Ces dernières décennies, le phénomène extractiviste s’est intensifié partout dans le monde en s’appuyant sur des avancées technologiques : les volumes en jeu ont considérablement augmenté, les impacts se sont alourdis et les conflits se sont multipliés, tout en générant de plus en plus de profits pour une minorité d’acteurs.

L'extractivisme est différent de la simple extraction, cette dernière répondant à des besoins tandis que le premier est d'abord le rouage d'un système économique visant avant tout à faire des profits et de plus en plus déconnecté des besoins réels.

Il ne s'agit donc pas de plaider pour un renoncement à toute exploitation des matières premières du sous-sol, mais de montrer que cette exploitation effrénée traduit aujourd’hui une véritable crise de l’excès, encore inédite, de sociétés incapables de s'auto-limiter et régies uniquement par la croissance économique, qui nous conduit dans une impasse.

Conséquences et impacts environnementaux

Exploitation intensive des ressources naturelles : Refaire des choix (…)
Exploitation intensive des ressources naturelles : Refaire des choix (…)

Les projets extractivistes entrainent de multiples conséquences néfastes pour les populations découlant régulièrement en conflits sociaux. Sur le site http://ejatlas.org, chacun peut participer à cartographier ces conflits.

Pollutions  : Les activités extractives ont des conséquences désastreuses sur les écosystèmes et la biodiversité, de par leurs rejets de déchets toxiques qui viennent polluer sols, air et milieux aquatiques.

La mise en place d’un projet extractif nécessite la construction d’infrastructures importantes qui implique souvent déforestation, détournement de cours d’eau, assèchement de lacs et de zones humides et même parfois destruction de montagnes.

Les infrastructures de gestion des déchets toxiques et celles d'approvisionnement comme les pipelines, quant à elles, comportent de très gros risques de fuite massive dans la nature. Les accidents de barrages de déchets miniers ne sont pas rares, comme en témoignent deux catastrophes récentes : celle de Mount Polley, au Canada, en 2014 et celle de Mariana, au Brésil, en 2015.

La primauté de l'économie sur les droits et les limites écologiques

L’ampleur du phénomène extractif et le pouvoir de ses promoteurs reposent en grande partie sur la dimension très lucrative de ce secteur. Les volumes d’investissements, de subventions et de bénéfices sont considérables. Actuellement par exemple, de très importants investissements sont opérés pour une exploitation future des réserves d'hydrocarbure se situant en Arctique, qui ne seront accessibles qu'avec la fonte des glaces dues aux changements climatiques. De nombreuses multinationales et investisseurs spéculent ainsi sur la non-résolution de la crise climatique pour continuer de faire des profits.

Par ailleurs, l’existence d’un droit commercial international très offensif, incarné par des institutions comme l’OMC ou la Banque mondiale, fragilise les droits humains les plus fondamentaux. En effet, ces derniers ne sont pas assortis de contraintes et d’encadrements suffisamment forts pour faire le contrepoids. Dans les faits, les droits des investisseurs et des entreprises l’emportent donc sur les droits humains, notamment à travers les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États également appelés ISDS.

Le maillage toujours plus serré des traités de libre-échanges, qui instituent la primauté des intérêts économiques sur le bien commun théoriquement défendu par l’État, et la concentration de moyens toujours plus importants entre les mains des acteurs économiques, verrouillent le système extractif et empêchent le plein développement d’alternatives et de politiques ambitieuses.

Conséquences et impacts sociaux et sanitaires
Exploitation intensive des ressources naturelles : Refaire des choix (…)
Exploitation intensive des ressources naturelles : Refaire des choix (…)

Les projets extractifs, implantés sur des territoires, ont souvent des impacts négatifs très forts pour les populations qui y vivent.

Sanitaires : La contamination massive de l’environnement affecte les personnes qui contractent des maladies plus ou moins graves liées au contact répété avec des pollutions diverses. Les effets sur la fertilité et la mortalité infantile sont également importants. Les problèmes de peau sont très répandus, tout comme les empoisonnements au mercure et au cyanure, produits couramment utilisés dans les activités minières. En Equateur, dans la zone où l'entreprise Chevron exploitait le pétrole et a deversé dans la nature des millions de litres de brut et de résidus, les cas de cancers se sont multipliés. Cette réalité ne concerne pas seulement les pays du Sud. En France, l'ancienne mine d'or de Salsigne dans l'Aude et ses rejets d'arsenic, cadmium, chrome et nickel, affecterait la santé d'environ 10 000 personnes dans un rayon de 15km, exposées à une surmortalité liée au cancer.

Sociaux : L’implantation d’une entreprise extractive génère un afflux massif de population nouvelle, en particulier de travailleurs masculins, qui crée généralement un déséquilibre vis-à-vis de la communauté d’origine : pression sur les infrastructures sanitaires et publiques et introduction de pratiques sociales jusqu’ici inconnues ou faibles (prostitution, alcool, jeux d’argent, etc.). La dégradation de la qualité de vie se manifeste souvent par une augmentation des violences et des tensions, notamment envers les femmes.

Cette pression que fait peser l’installation d’entreprises extractives sur un territoire et ses ressources contraint bien souvent les populations locales à changer de mode de vie. La plupart du temps, l’agriculture est rendue impossible du fait des pollutions et du manque d’eau. La pêche également devient problématique quand les fleuves et les rivières sont pollués. L’économie locale est donc ralentie voire mise à l’arrêt, entraînant la paupérisation de communautés privées de leurs modes de vie traditionnels et de leurs ressources. Beaucoup de paysans sont ainsi contraints de quitter leurs terres qui ne peuvent plus les faire vivre et de chercher du travail en ville, grossissant ainsi les bidonvilles issus de l’exode rural massif.

Devenues vulnérables, ces populations sont plus enclines à accepter les propositions de l’entreprise extractive qui s’est installée (conditions de travail indécentes, rachat de terres pour un prix dérisoire, corruption, etc.) et les tensions au sein de la communauté s'en trouvent aggravées.

Eau et projets extractifs : les liaisons dangereuses

Les activités extractives nécessitent de très grandes quantités d’eau pour fonctionner. Cette eau est souvent perdue après usage car son taux de toxicité est trop élevé. Ces millions de litres qui sont retirés définitivement du cycle de l’eau posent un problème de pénurie et de conflits d’usage sur des territoires où la ressource n’est plus suffisamment disponible pour subvenir aux besoins des populations locales.

Au-delà de la surexploitation de la ressource en eau, les activités extractives portent régulièrement atteinte à la qualité de l’eau disponible, que ce soit dans le cadre de rupture de barrages de déchets miniers ou d’autres accidents rejetant des éléments très toxiques dans l’environnement ou bien à travers des rejets directs dans la nature ou encore des drainages miniers acides .

Enfin, ces activités mettent aussi parfois à mal le cycle hydrologique de la zone. C’est le cas à Conga au Pérou où l’exploitation minière se situe au centre de lagunes primordiales ou au Canada avec des activités extractives intenses dans des zones humides.

Des droits humains bafoués

Les impacts négatifs engendrés par les projets extractifs constituent autant de violations des droits humains reconnus à la fois dans les textes internationaux et de nombreuses constitutions nationales : le droit à l’eau, à un environnement sain, à la sécurité, etc.

Parmi les victimes de ces violations, les peuples autochtones sont particulièrement emblématiques. Ils disposent en effet de droits spécifiques, comme le droit à la consultation et à l’autodétermination, qui sont la plupart du temps niés par les États et les entreprises mettant en œuvre des projets extractifs. Ces droits figurent notamment dans la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Ces violations « passives » mais systématiques des droits humains sont accompagnées de violations « actives », c’est-à-dire à de violences, allant de l’intimidation au meurtre, vis-à-vis des habitants qui résistent aux projets extractifs. Les industries extractives sont reconnues par l’ONU comme étant parmi les premières responsables des violations des droits humains. 1176 défenseurs de l’environnement ont ainsi été tués entre 2002 et 2015 dans le monde, dont une part importante de leaders autochtones, selon l’ONG Global Witness. Dans la majorité des cas, ces crimes restent impunis.

Le plus souvent, les États et les entreprises agissent de concert pour criminaliser les mouvements de protestation contre les projets extractifs, en utilisant les lois de manière abusive (état d’urgence ou de siège, accusation de terrorisme, etc.), renforçant ainsi l’asymétrie entre les droits des entreprises et ceux des populations.

Manifestation en hommage à Berta Caceres, assasinée au Honduras en 2016 alors qu'elle défendait les droits de sa communauté vis à vis de multinationales

Manifestation en hommage à Berta Caceres, assasinée au Honduras en 2016 alors qu'elle défendait les droits de sa communauté vis à vis de multinationales

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