Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 février 2017 2 14 /02 /février /2017 12:40

 

 

Par Martina Castigliani 7 février 2017 à 16:34

Candidate aux élections européennes en 2014 sur la liste d'Alexis Tsípras, Nicoletta Dosio s'est cachée pour échapper à son assignation à résidence dans le cadre de sa lutte contre le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin. Photo N.D.

Candidate aux élections européennes en 2014 sur la liste d'Alexis Tsípras, Nicoletta Dosio s'est cachée pour échapper à son assignation à résidence dans le cadre de sa lutte contre le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin. Photo N.D.

Alors qu'il n'y a plus de recours, Nicoletta Dosio, symbole de la lutte anti-LGV en Italie, s'est opposée à son assignation à résidence. Elle invoque un «devoir de résistance» présent dans la Constitution italienne.

Val de Suse : «Toute la population refuse la ligne Lyon-Turin»

Quand Nicoletta Dosio a décidé de s’opposer à son assignation à résidence pour avoir manifesté contre la ligne à grande vitesse (LGV) Lyon-Turin («Tav» en italien), plus présent dans le débat public en Italie qu’en France, ses camarades ont organisé des tours de surveillance devant sa cachette. Pour eux, militants du mouvement No TAV en Italie, il s’agit d’un devoir de résistance contre un pouvoir illégitime. Pour la justice italienne, c’est une évasion. La Cour de cassation, le 31 décembre, a annulé son assignation à résidence, mais Nicoletta Dosio attend toujours son procès.

 

A 70 ans, ancienne professeure de latin et grec au lycée, elle est la chevelure rouge qu’on aperçoit dans les cortèges dans le Val de Suse. Candidate aux élections européennes en 2014 sur la liste de Tsípras, elle dit ne rien attendre des politiques. Cette femme obstinée à la forte personnalité croit que la lutte pour défendre ce qu’elle appelle «notre Vallée» vaincra, alors que le projet vient d’obtenir l’approbation définitive des Parlements français et italien. Depuis les années 90, le mouvement No TAV se bat contre la ligne de train à grande vitesse au moyen de blocages et de sabotage des chantiers. Les militants contestent le plan, d’un montant total de plus de 26 milliards d’euros, qui prévoit la construction dès 2018 d’un tunnel de 57 km entre Saint-Jean-de-Maurienne (France) et Suse (Italie), évalué à 8,3 milliards d’euros à lui seul.

Etes-vous une criminelle ?

Le tribunal ne s’est pas encore prononcé. La justice italienne prévoit la possibilité d’imposer des mesures préventives pendant les enquêtes. Elles dérivent du Code Rocco, un ensemble de lois adoptées pendant le fascisme, et elles ont pour seul objectif d’effrayer les activistes. J’ai décidé de ne pas m’y plier parce que, d’abord, je pense avoir raison, ensuite parce que je revendique les actions que j’ai accomplies personnellement et celles qu’on a faites collectivement.

De quoi vous êtes accusée ?

L’affaire me concerne moi, ainsi que 20 autres personnes. Le parquet de Turin a ouvert un dossier après une manifestation en 2015. On a été accusés, entre autres, de dégâts et dommages sur la voie publique, de violences contre personnes dépositaires de l’ordre public, et d’avoir amené des matériaux explosifs alors qu’on avait des feux d’artifice pour une manifestation festive. Ces accusations ne tiennent pas.

Comment avez-vous réagi à votre assignation à résidence ?

Dès qu’ils m’ont imposé des restrictions de mouvement, j’ai décidé de m’activer. En premier lieu je suis partie pour le «No TAV tour», et j’ai participé à des débats en Italie. J’ai été arrêtée deux fois et assignée à résidence. Alors j’ai déménagé dans une autre maison. Mes camarades se relayaient pour me défendre, ils ont fait barrage de leur corps. Je n’étais pas toute seule : on ne résiste pas grâce au courage d’une seule personne, mais grâce à la force d’une communauté.

Pourquoi êtes-vous contre le projet ?

C’est un ouvrage inutile, très cher et qui détruira l’environnement. On vit dans une zone militarisée sans raison : l’Etat italien paie 98 000 euros par jour rien que pour défendre les chantiers. Il n’y a pas nécessité de construire une nouvelle ligne de train, alors que l’Italie a besoin d’autres interventions pour sauvegarder le territoire, notamment après les différents tremblements de terre que le pays a subis.

 

A quoi sert de résister encore, alors que les gouvernements des deux pays ont déjà approuvé le projet ?

Toute la population de la vallée de Suse refuse la LGV Lyon-Turin : on n’est pas seulement un groupe de militants. On connaît le territoire et on est prêt à se battre jusqu’à la fin : on ne bouge pas d’un pouce. Selon les principes de la Constitution italienne, si le pouvoir est injuste, la résistance est un devoir. Pensez-vous que je suis folle ? Notre opposition est bien réelle. Les gouvernements ont les médias de leur côté et ils se présentent comme s’ils avaient déjà gagné, alors que ce n’est pas du tout le cas.

Qu’allez-vous faire concrètement ?

On vient de recevoir les décrets d’expropriation pour de nouveaux territoires de la vallée de Suse. On les a achetés au cours des dernières années, et on va se préparer pour nous opposer au moment où ils viendront nous chasser.

Jusqu’où peut aller votre lutte ?

On défend et on revendique le sabotage des chantiers. On s’est inspirés des ouvriers pendant la révolution industrielle, qui jetaient des sabots dans les machines. Le parquet de Turin a accusé nos militants de terrorisme, mais le tribunal les a innocentés. Il y a une grande différence entre légalité et justice. On coupe les treillis métalliques, on viole la zone rouge : on occupe le territoire et cela leur crée des problèmes. Notre lutte unit le cœur et la raison. Nos ennemis répondent avec l’arrogance et le pouvoir de l’argent.

Vous êtes accusés d’utiliser la violence…

[Elle rit.] On est victimes de la violence, comme les gaz lacrymogènes ou les coups de matraque pendant les manifestations. Les accusations sans fin sont une forme de violence. On n’est pas des Black Blocs, mais une communauté qui est en train de s’élargir : il y a des jeunes et des vieux, des catholiques et des communistes. On a trouvé la façon de se rassembler pour la lutte.

La nouvelle maire (Mouvement Cinq Etoiles) de Turin vous soutient. Est-ce que cela pourrait changer quelque chose ?

On accepte l’aide de tout le monde. Mais on ne se fait jamais d’illusions. On sait que si on veut gagner, on ne peut compter que sur nous-mêmes. Les libérateurs n’existent pas, alors qu’il existe des peuples que se libèrent.

Martina Castigliani

 

 

Source : http://www.liberation.fr/planete/2017/02/07/val-de-suse-toute-la-population-refuse-la-ligne-lyon-turin_1545808

Partager cet article
Repost0